dimanche 19 février 2012

Rirkrit Tiravanija

Rirkrit Tiravanija


Introduction :

Rirkrit Tiravanija est un artiste contemporain thaïlandais née à Buenos Aires en 1961. Il vit et travaille à Berlin, New York, ainsi qu’en Thaïlande. Il expose pour la première fois en 1989, dans une expo de groupe, et fait sa première exposition personnelle en 1990, dans la galerie Paula Allen, à New York. En 2004, il est le lauréat du prix « Hugo Boss », décerné par le Musée Guggenheim de new York. C’est un prix plutôt récent (1996), mais réputé.



1-Tiravanija

1.1-Presentation de l’artiste

Tiravanija est une figure majeure de l’art contemporain international des années 90. Il est, avec Felix Gonzalez-Torres, une des figures de proue de l’esthétique relationnelle théorisée par Nicolas Bourriaud. Tiravanija n’est ni peintre, ni sculpteur. Pour autant, on ne peut considérer sa pratique artistique comme relevant de l’art conceptuel, ou l’œuvre n’est plus défini que par l’idée, le processus mental, au détriment de l’objet même. La démarche artistique de Tiravanija est ailleurs. Celui-ci tend à créer des espaces de convivialités, en explorant une nouvelle forme de paradigme esthétique basé sur l’interactivité. Le spectateur est invité à participer activement à l’œuvre, et c’est leur participation qui crée l’œuvre. L’art de Tiravanija est un art de la rencontre, de la proximité. Le visiteur devient voisin.  L’artiste cherche à former, au sein des galeries, des micro-communautés, des espaces de convivialité, comme en réaction à la croissance exponentielle du monde. Ces espaces de convivialité sont multiples : Au Kunsthalle, à Saint Gallen en Suisse, en 1996, il recréait un studio d’enregistrement. En 1998, il  reconstruit un supermarché dans le Musée Migros de Zurich.



Tiravanija ne s’inscrit pas dans la continuité de l’art contemporain thaïlandais, bridé par un système éducatif traditionnel et fermé. L’artiste est influencé par le nomadisme, dans son mode de vie comme dans son art. Pour autant, on retrouve dans son œuvre un rappel de ses propres origines, et ce dès sa première expositions, en 1990.

INTERET POUR LE REPAS, grand mere cuisiniere, blabla.



1.2-L’esthetique relationnelle (Nicolas Bourriaud)

L’esthétique relationnelle est une théorie élaborée par Bourriaud pour qualifier les nouvelles pratiques artistiques des années 90. En envisageant l’histoire de l’art du point de vue des relations entre les choses, de l’art comme « lien », Bourriaud la synthétise en 3 étapes :

-Humanité/Divinité

-Humanité/objet

-relation inter/humains

 Cet « art relationnel » propose comme horizon théorique la sphère des interactions humaines, en impliquant le contexte social, et apparait comme un bouleversement des objectifs esthétiques et sociaux de l’art moderne. Les artistes créent des domaines d’échange, qu’il appartient au critique/commentateur de considérer au travers de la cohérence de la forme (qui, dans le cas présent, désigne une unité structurelle dans laquelle se crée un rapport au monde) et de la valeur symbolique de l’image des relations humaines proposée. L’œuvre des artistes de l’art relationnel s’inscrit dans une tradition matérialiste, un matérialisme de la rencontre, et, par conséquent, de l’aléatoire.  Leurs travaux portent sur le rapport que crée l’œuvre parmi le public. Les artistes relevant de l’esthétique relationnelle n’ont en commun ni les problématiques traitées, ni l’univers de formes. On ne trouve, de l’un à l’autre, pas de style ou d’iconographie commune. Mais ils partagent le même horizon pratique et théorique, la sphère des rapports interhumains.

Au travers de la culture nouvelle de l’interactivité se dessine de nouveaux domaines formels :

- meeting

- fêtes

- pause-clopes

L’ensemble des modes de rencontres deviennent des objets esthétiques. Les artistes proposent donc un « moment de socialité », mais également un « objet producteur de socialité ». L’objet, comme le langage, devient vecteur de relations à l’autre.



2-Exemples d’œuvres de l’artiste

1.1-Pad Thaï (1990)

En 1990, à New York, Tiravanija réalise sa première exposition personnelle, « pad Thaï », une exposition à la lisière de la performance, dans laquelle il propose aux visiteurs un repas thaïlandais. Durant son enfance, il semblerait que Tiravanija est passé du temps auprès de sa grand-mère, une cuisinière et présentatrice d’émission culinaire. Par conséquent, on retrouve, tout le long de sa carrière, un intérêt particulier pour la cuisine traditionnelle thaïlandaise, et la cuisine en general, qui devient partie intégrante de son œuvre. Tiravanija invite le visiteur à partager un bol de nouilles, et laisse exposé, une fois le spectateur/invité parti, les reliefs et les restes du repas, comme preuve tangible de l’évènement social produit. Le repas, ou banquet, devient prétexte aux interactions sociales entre inconnus. Ce processus intrinsèque à l’œuvre de Tiravanija revêt d’une dimension sociale, bien sûr, mais également d’une portée politique. En distribuant gratuitement de la nourriture, il réfute l’idée d’accumulation de la richesse et d’ « objets», que l’on retrouve dans le monde de l’art, et par extension dans la société même. Tiravanija crée des espaces d’aucuns qualifierait d’utopiques, d’artificiels, qui remettent en cause la notion d’accumulation et de possession au profit de la convivialité, rendu tangible par l’objet. Il conçoit des interstices qui se définissent par rapport à l’aliénation du monde extérieur. Tiravanija encourage le spectateur à approcher l’art, le toucher, et devenir partie intégrante de celui-ci. L’exposition n’est plus l’occasion de voir de l’art, mais devient espace de rencontres, de rassemblements amicaux, un microcosme social isolé de la vie contemporaine.



1.2-Une exposition en France : Untitled 1996 (one revolution per minute), au Consortium à Dijon

Dans son exposition au Consortium de Dijon, en 1996, Tiravanija expose de nouvelles facettes de son œuvre. Intitulée « Untitled, (1996) (one revolution per minute), elle se traduit par une profusion d’œuvres, agencées avec un sens remarquable de la construction de l’espace.   Elle s’exprime au travers de 3 axes, 3 types d’intervention qui structurent l’intention générale de l’artiste sans la contraindre.

Le premier consiste en l’utilisation de la collection du Consortium (un grand centre d’art contemporain), le second dans la présentation d’œuvres anciennes, toute basée sur le système d’échange avec le spectateur, et la troisième reposant sur la musique jouée en live durant l’exposition. La réunion de ces trois types d’intervention conduit au projet global de Tiravanija.

Pour Tiravanija, utiliser la collection du Consortium tend à recharger les œuvres d’art laissé par les artistes. Les œuvres ainsi offertes servent de portrait, de mémoire du lieu. La manière dont Tiravanija organise les œuvres, en allant parfois à contrario de l’ »effet » voulu initialement par l’artiste, induit un doute quant à la légitimité du remploi proposé.

Le remploi par Tiravanija d’œuvres anciennes au lieu d’en créer une nouvelle fait encore vaciller la frontière entre œuvre et exposition, dans la mesure où l’exposition est titrée comme une œuvre. Comme souvent, les quatre œuvres présentes permettent de préparer thé, café, soupes, et invitent le visiteur à les partager. Les quatre œuvres sont réunies dans la même salle, imbriquées les unes aux autres, pour former un dispositif basé sur la fonction de partage et d’échange.

Dans cette exposition, la musique tient egalement une grande part. dans une des salles, Tiravanija fait se confronter, face à face, une des œuvres « empruntées » à la collection du Consortium, le « Project of Museum for  Gordon Matta-Clark » de Dan Graham à une 6eme version du studio d’enregistrement, déjà vu au Kunsthalle de Saint Gallen, mis à la disposition des visiteurs musiciens.

Ainsi, Tiravanija crée un espace hétéroclite propice à la « socialité », en assemblant, dans un centre d’art, des situations inhabituelles (des individus jouant de la musique, des œuvres d’art, des installations permettant de servir boissons et nourriture.

Dans son « Untitled 1996 », Tiravanija développe, au travers de son projet relationnel, un vocabulaire qui intègre les acquis de l’art conceptuel, tout en resituant  l’œuvre d’art dans un contexte désacralisé. Il remet en question, avec une occupation de l’espace particulièrement pensée et un aménagement de situations contradictoires, les modalités des espaces dévolus à l’art.



1.3- Untitled (Asile flottant) (2010) : Un message politique plus présent

Dans une de ses plus récentes œuvres, Tiravanija s’intéresse à un nouveau type de plateforme de communication et d’interaction. L’œuvre en question, titrée « Untitled (asile flottant) », fut exposée dans la galerie Chantal Crousel, à Paris, en 2010. Elle consiste en l’introduction au sein de la galerie d’une partie de la reproduction de la péniche de le Corbusier. La péniche du Corbusier était conçu pour l’armée du salut afin d’offrir un toit aux sans-abris de paris. Celle de Tiravanija, fabriquée en Thaïlande, présente des tee-shirts militants créés par l’artiste, ainsi que d’autres collectés de par le monde.  Le tee-shirt devient support de communication, et est revendiqué comme espace politique. Tiravanija questionne sur comment l’information se transmet et s’assimile, en remettant en question notre participation active à ce processus. Cette œuvre apparait comme une des plus explicitement politique de l’artiste, et manifeste son penchant pour



L’œuvre de Tiravanija brouille les frontières entre art et quotidien, spectateurs et participant. L’art devient état de rencontre. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire